NOTE 8 : LOCHMANN Arthur

La VIE SOLIDE.
La charpente comme éthique du faire.
Payot, 2019. 203 p.

1- L’AUTEUR.

Il délaisse ses études de droit et de philosophie, pour devenir charpentier.
Son premier ouvrage. Le récit d’un apprentissage.
Plus, pour lui : bien bâtir, c’est s’inscrire dans le temps long. La charpente, comme éthique du faire.

2- L’OUVRAGE.

Un prologue.
Puis TREIZE chapitres.
1- Le cœur au soleil.
2- Manucure à la scie égoïne.
3- Logique du geste aérien.
4- Le trait, l’épure et la charpente.
5- Un assemblage de carte postale.
6- L’exacte imprécision.
7- Routines et combines.
8- Les pieds sur la canopée.
9- Le filtre des ans.
10- les copains valseurs.
11- La tournée du coq.
12- Le bouquet final.
13- Une bombe à retardement.

3- COMMENTAIRES

Mon père était artisan charpentier/menuisier. Depuis longtemps, je m’interroge sur le manuel et l’intellectuel.
C’est aussi en référence à cela que je lis cet ouvrage.
Limpide, clair, écrit avec humilité, avec amour du métier, j’ai aussi beaucoup appris sur ce que, enfant, je regardais faire chez mon père.
L’auteur découvre l’apprentissage du FAIRE par le métier de charpentier. Quatre niveaux :
-Un langage.
-Des gestes.
-Des méthodes et techniques.
-Une pensée qui transforme la relation à soi et son rapport au monde.
Cette prise de conscience du travail bien fait et du temps long,
le rapport au bois, le conduit à redécouvrir (ou à découvrir ?) la philosophie. Il s’approprie une boussole pour la vie. Le FAIRE l’éveille à l’hybridation des savoirs et à ÊTRE. C’est sa vie sur les QUATRE scènes : personnelle, intime, sociale et professionnelle qui devient plus lucide. Le présent retrouve une perspective. Le temps long fait surgir sens dans notre « société liquide, celle dans laquelle les contextes d’action de ses membres changent en moins de temps qu’il n’en faut aux modes d’action pour se figer en habitudes et en routines » écrit Zygmunt Bauman et que cite l’auteur. p. 181.
Le temps de l’artisan et l’artisan face au temps.
J’ai beaucoup apprécié ce livre. Ce que mon père portait en lui et que l’absence de pensée et de langage ne lui permettait pas d’exprimer.
Un questionnement sur le FAIRE pour l’intellectuel. Penser avec ses mains !
Pas d’apprentissage sans durée, donc tout a long de la vie !

4-Quelques citations

-En apprenant à inscrire mes actions dans la durée, en adoptant l’éthique artisanale du bien faire, j’ai trouvé des clés pour m’orienter dans notre époque frénétique. p. 15.
-Le bois travaille. p. 29
-Un métier, c’est largement des mots. p. 31
-Sur les bancs de l’école à la française, on a vite fait de perdre de vue la profonde interdépendance du langage et des gestes, et de considérer la main comme un organe simplement asservi au cerveau. La déconvenue fut violente. p. 34
-La fusion intime entre la main et l’outil. p. 39.
-Le goût pour le travail bien fait. p. 161.
-L’artisanat, domaine où est préservée la possibilité de se sentir pleinement responsable de son travail. p. 164.
-Le fait de savoir-faire permet de se sentir responsable. p. 166.
-L’artisanat constitue une pratique formatrice de l’esprit propre à restaurer un rapport plus actif au monde et à la chose politique. p. 169.
-Il y a prolétarisation dans le sens où l’ouvrier est dessaisi de son propre travail. p. 170
-L’abolition de la durée par l’avènement d’un temps détemporalisé. p.187

Un ouvrage de qualité, une invitation, un hommage par le faire coloré là du Nouvel Esprit Educatif pour une vie solide.
Merci aussi à l’auteur de m’avoir fait découvrir la noblesse de l’artisan et la chance que mon père qui l’était.

Michel Bernard. 07 2019