Lettre n°1


Cabris / jeudi, août 29th, 2019
Cabris

Cher ami,

Décider, c’est retenir une option et renoncer aux autres. Il y a donc dans la décision une double face.
Puis, surgissent, de façon plus ou moins prévisibles, des effets et d’autres
décisions. Parfois si imprévisibles !
Je me souviens, là où je résidais avant, d’une décision qui comportait de fait en germe mon déplacement dans le sud.Cependant, le choix de ce village a été ma décision. Comme la première maison où j’ai résidé .Des événements ensuite m’ont conduit de façon douloureuse à renoncer à cette maison, et à en choisir une autre plus modeste. Toujours dans le village.

Entourée d’Oliviers, avec une vue imprenable, elle est à la fois un phare et un monastère .Un phare car le soleil est
toujours présent et l’horizon est soit la mer, soit des montagnes, très loin. Un monastère car il y a silence et beauté et invitation au recueillement. .A l’ origine, résidence secondaire ; pour moi résidence principale. Je pense qu’ici se terminera mon voyage terrestre.


Sa modestie me convient tout à fait. Chaque année des micros chantiers me
permettent de l’entretenir et de la restaurer. Une partie très appréciable de l’année, les terrasses sont là où se déroulent tous les repas. L’hiver, la cheminée prend le relais des étoiles. Le terrain invite à des actions permanentes. Du débroussaillage aux fleurs via les arbres sans oublier les peintures. Chaque arbre invite à échanger, chaque fleur offre son unicité. Et régulièrement il y a des invités surprises comme hier la monnaie du pape.
Un écureuil me rend visite.
Des bancs ça et là accueillent pour contempler réfléchir et méditer.
Pour Noel, j’espère accueillir une fontaine sur une terrasse. Car le bruit de l’eau me manque.
J’accueille des amis et trop rarement la famille. La distance spatiale est –elle la seule raison de cette deliance de fait  ?
Des amis m’accueillent. Pour quelques uns rares en réciprocité c’est la fête.


Lecture – je ne sais plus où mettre les livres et revues – musique, radio, cinéma, télévision sont des fenêtres, des ouvertures sur le monde. Que de voyages! Que d’écrits dans ce lieu où j’existe aussi pleinement que possible, en plus de voyages sur le terrain, trop peu nombreux. Lucide sur ce qui
manque : des amis pour échanger, débattre, dialoguer, partager des moments de convivialité.
Dans un tel lieu, en santé, comment ne pas consacrer son temps aussi pour les autres ? Tout en étant lucide sur le peu qui en restera. Mais qui connait l’humus comme porteur de création, de génération en génération ?


Désormais, j’ai décidé de marcher encore plus. Car la marche c’est la vie, c’est la découverte de soi, de la nature, des traces des hommes dans l’histoire. Marcher c’est relier soi, terre et cosmos.
Oui cher ami, sauf imprévu, c’est là que je finirai ma vie. Entre ciel terre et mer, je déguste la vie, intensifie mon existence, accueille l’histoire de l’humanité, le monde et le cosmos. Je découvre le temps car les urgences sont évacuées.


L’allongement de la vie, l’enfance, les seniors, le Nouvel Esprit Educatif le devenir de l’université, Penser et agir autrement…sont des thèmes forts de mon travail.
Entouré de cinq générations, peut être demain de six, des traces de mon grand père, de mon père, je veille à laisser aussi quelques traces pour ceux qui suivent. Ce sont des écrits. Je voudrais qu’ils portent pour ceux qui suivent quelques semences.

Sans cesse la musique, le silence, le vent, les oiseaux, le beau, la poésie colorent ma vie des couleurs du monde.


Voila cher ami ces quelques lignes pour répondre à ta question. Et toi à l’Ouest, où je suis né et ai si longtemps vécu, que deviens-tu? Car tu ne peux être qu’en devenir.


Ici, tu le sais, gite et nourriture te sont offerts quand tu veux et le peux.

Miguel – 08 2019

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